lundi 11 août 2014

La progression : entre investissement personnel et contexte d'entreprise


Je reprends un thème que Florian a déjà bien abordé sur son blog (http://fleid.net/?s=dette+technique et http://fleid.net/2013/04/29/apres-la-dette-technique-la-dette-sociale-lautre-ennemie-du-patron-de-ssii/) car je viens d’en discuter quelques minutes avec un jeune consultant ce matin qui est venu me demander comment il pouvait progresser techniquement dans son métier (tout ceci me faisant prendre conscience de mon âge avancé).

Je vais exposer ici une partie de la réponse que j’ai faite à l’une des remarques de ce consultant quand il m’a dit « qu’il faut travailler en dehors de ses heures de bureau pour progresser ». Je suis en partie d’accord avec cette condition qui est toute fois pour moi ni suffisante, ni nécessaire.

Dans ma conception de l’entreprise, en plus des logiques d’intégration sociale (dans le sens de permettre une avancée de la société) et de rentabilité (pas exclusivement financière), il y en a un troisième qui a trait à l’investissement qui doit être mis en place dans le but d’avoir une rétroaction positive sur les deux premiers. Sachant tout de même que chacun de ces trois périmètres ont une influence les uns sur les autres : dégager des bénéfices (au sens comptable cette fois-ci) permet d’accroître son action sociale (investissement de temps/d’argent dans d’autres entreprises, dons de temps/d’argent à des organismes, bien-être des employés …), l’action sociale permet de dégager des bénéfices (image de marque, relations de travail, avancées techniques, nouveaux clients…) et enfin l’investissement  permet de dégager des surplus (de temps, d’argent) qui sont ensuite utilisés pour accroître les deux premiers. La boucle est presque bouclée.
 
Ce schéma pourrait être étoffé avec d’autres périmètres, mais pour notre sujet, nous nous contenterons de cette représentation. Il est à noter que le lien est unidirectionnel entre les actions sociales que mène l’entreprise et son investissement : c’est discutable et je suis toujours en train de remettre en cause le sens de cette relation.

La relation entre les investissements et les bénéfices a été découplée : la flèche rouge représente l’amorce, à savoir qu’il n’est pas possible d’entreprendre, au sens large du terme, sans investir (de son temps et/ou de son argent) et donc sans prise de risque. L’autre flèche symbolise une partie de la problématique dont il est question dans cet article, mais sur un périmètre bien délimité à savoir : comment investir sur ses collaborateurs dans le but d’en retirer des bénéfices ? Cette question est en rapport direct avec la remarque du consultant dont il est question au début de l’article. Comment faire progresser son équipe ? Par l’investissement. Ce dernier doit être d’abord personnel et donc propre aux consultants, mais il doit être facilité et même catalysé par l’entreprise. Il existe beaucoup de types d’investissements et nous allons nous concentrer sur deux d’entre eux : la veille technologique et l’auto-formation.

La veille technologique est un investissement à long terme, c’est pour cela qu’il est rarement mis en place dans les SSII que nous connaissons et qui sont pilotées par l’objectif de rentabilité à court terme. C’est d’ailleurs un problème économique plus global et finalement, une grande partie de la vision économique actuelle se base sur cette logique de rentabilité à vue. Il n’y a qu’à constater le niveau d’investissement réalisé par les entreprises par rapport à celui qui existait il y a une trentaine d’années1. Il faut en effet accepter de faire sortir quelques jours les consultants de chez leur client de manière à ce qu’ils puissent effectuer des recherches sur des sujets qui pourront par la suite permettre à l’entreprise de s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Cela permet aussi de travailler ensemble, dans un contexte différent de celui de la clientèle, et c’est toujours bon à prendre afin de conserver une dynamique de groupe par le biais de la synergie née de nos recherches communes. C’est pour cela que nous nous accordons du temps (2 jours par mois environ) pour travailler sur ces sujets connexes sur lesquels nous capitaliserons plus tard, que ça soit par le gain de clients ou la création de relations de travail. Il ne faut pas perdre de vue que quand je parle de bénéfice ou de capitalisation, il n’est pas seulement question d’argent, mais également de connaissances techniques, de relations, d’accomplissement personnel, etc.

L’auto-formation représente une partie des gains offerts par la veille technologique : on apprend d’un sujet en faisant des recherches dessus. Mais il y a également l’auto-formation du personnel de l’entreprise par le personnel de l’entreprise. On retrouve encore une fois cette notion de synergie qui nous est chère. Elle passe selon nous par le travail en collaboration chez nos clients. C’est pour cela que l’on s’attache au maximum à travailler ensemble ou à se rendre visite régulièrement, ne serait-ce que pour quelques jours. Nous ne sommes pas les seuls bénéficiaires de cette relation, nos clients en retirent une grande satisfaction (ouverture sur de nouveaux sujets, nouvelles perspectives sur des problématiques en cours, …).

J’ai voulu mettre en exergue ici le fait que même si la progression d’une personne naît de sa volonté et de son investissement personnel, l’environnement dans lequel elle évolue, ici l’entreprise, doit servir cette volonté d’évolution. Cela sera souvent positif pour les deux parties et il faut que les entrepreneurs gardent ce fait en tête. Je continue de croire que tout n’est pas seulement une question d’argent et qu’il est tout aussi important d’être à l’écoute de ces partenaires afin qu’ils puissent s’accomplir : les retours n’en seront que positivement plus importants et pas forcement estimables financièrement.

Je répondrai donc à mon fameux consultant qu’avant de travailler chez soi, il doit s’assurer que son environnement professionnel est propice à répondre à ses velléités de progrès et qu’ensuite, il devra adapter son niveau d’investissement personnel en fonction de ses objectifs. Il faut le faire en cohérence avec les buts que l’entreprise souhaite atteindre tout de même : il n’est pas question de faire de la veille technologique sur les flux migratoires des hirondelles quand on fait du décisionnel (encore que).
1 Voir les livres de Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle ou encore Jim Stanford, Petit cours d’autodéfense en économie, ou encore le blog d’Onubre Einz et cet article

8 commentaires:

  1. Cet excellent article m'appelle à deux commentaires. Le premier est que certaines SSII ne pensent/veulent pas de l'investissement définit comme ci-dessus. Elles préfèrent recruter des profils déjà formés quittent à les survendre au détriment du salarié (elles s'en sortent car elles adaptent leurs tarifs journaliers en conséquence. Le second est que les salariés ne sont pas forcément à l'aise avec l'auto-formation. Cela nécessite des compétences particulières : entre identifier ses domaines de progressions et les besoins du marché jusqu'à l'établissement de plan et planning qu'il faudra suivre ensuite, tout le monde n'est pas forcément à l'aise.
    Bien à vous,
    PGeiger

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    1. Bonjour Philippe,

      C'est effectivement parce que certaines SSII ne conçoivent pas l'investissement de cette manière qu'il y a un problème. Considérer les gens avec lesquels elles travaillent, pardon, avec lesquels elles font de l'argent comme de simples ressources dont il faut évaluer le coût pour en déterminer un prix qui leur est profitable, c'est bien ça le souci.
      Je ne suis pas d’accord avec le fait que les SSII préfèrent recruter des profils déjà formés. En tous les cas ce n’est pas ce que je peux observer. Généralement c’est un mix de juniors (en grande majorité) et quelques profils séniors. Les seconds, dont la rareté du profil tire leur rémunération vers le haut, servant de vitrine pour l’introduction des premiers pour lesquels la marge est bien plus importante.
      Quand je dis auto-formation, il ne faut pas comprendre faire les choses seul dans son coin car ça ce n’est pas à la portée de tous. L’auto-formation doit s’entendre dans cet article au niveau de l’entreprise et non au niveau de l’individu : par les consultants pour les consultants. Et c’est un premier niveau car on peut très bien imaginer s’auto-former en étant à l’écoute des autres, potentiellement externes à l’entreprise. Dans tous les cas tu as raison sur le fait que cela demande une volonté au départ de la part de la personne d’aller chercher des connaissances par ses propres moyens, quitte à se faire aider par la suite. Il est plus facile de tirer quelqu’un vers le haut quand il tire dans votre sens que quand c’est un poids mort au bout d’une corde.

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  2. Les SSII ne sont pas intéressées par la formation (et la qualité en général) car c'est "difficile" à vendre pour les commerciaux. Pour ceux-ci, il est plus facilement montrable qu’un consultant est 50€/jour moins cher que de montrer que ce consultant est 10% meilleur (comprendre qu’il finira son travail 10% plus rapidement à qualité constante).
    C’est même une arme à double-tranchant, si le consultant est meilleur, il finira sa mission 10% plus rapidement, cela voudra aussi dire qu’il faudra lui retrouver une autre mission plus rapidement. Hors dans une SSII, ce qu’il faut vraiment éviter c’est l’intermission, au plus une mission est longue au moins il y a de jours d’intermissions sur l’année (probabilité).
    Ajoutons à cela, les demandes des clients : une majorité d’entre eux veulent du « pas cher ». La demande de profil « juniors » est bien plus importante que celle de profils « seniors » (C’est une aberration mais c’est la vérité … le client préfère avoir trois petits jeunes fraichement diplômés qui n’ont jamais travaillés sur un projet en entreprise plutôt qu’un développeur de 5 années d’expérience). Pourquoi le commercial, s’embêterait-il donc à vendre un medior 600€ alors qu’avec le même investissement temps il pourra refourguer 3 juniors à 450€ (et si vous m’en prenez 5, le 6e est gratuit pour 3 mois).
    Tout ceci crée un climat, où l’augmentation de la qualité d’un consultant n’est pas une plus-value pour la SSII.
    C’est un peu simpliste de jeter la pierre aux SSII, car pour jouer ce mauvais film, il faut être trois :
    Il y a aussi le client qui est incapable de faire la différence entre un bon et un mauvais achat. Son seul critère est généralement le prix, l’efficacité est un concept trop difficile à cerner pour lui. Je ne jette pas la pierre au pauvre chef de projet/architecte interne qui se rend bien compte de la différence de niveau mais à la mécanique qu’il traine derrière lui tel un boulet : L’acheteur du service-achat qui intervient derrière pour négocier (de la même façon qu’il négocie le prix du PQ), le program manager qui vois l’opportunité de pointer sur sa score card qu’il a réduit de 10% les couts (sans jamais avoir à le démontrer) grâce à un « meilleur » recrutement et tous les autres pions aux doigts crochus qui agissent dans l’ombre et tirent perfidement profit de ce petit jeu. Apparemment ceux-ci ne peuvent pas comprendre qu’il y a une différence entre 5 ans d’expériences variées et 5 fois la même année d’expérience. Et s’ils le comprennent alors … c’est encore plus grave.
    Et finalement, il y a le consultant. Lui ce qu’il veut c’est l’augmentation. La formation c’est le moyen de l’obtenir. Dès qu’il aura suivi la formation, il le mettra sur son profil LinkedIn et ira négocier avec son manager un petit extra mensuel … et s’offusquera quand on lui fera remarquer que la société a déjà investi en lui sous forme de formation. Il ira donc vite voir ailleurs en criant sa haine du système, pour resigner exactement dans le même système mais avec 10€ en plus par mois (et une crème glacée).
    Pour casser ce système il faut au moins être deux et être patients afin de trouver un troisième larron. Voilà une combinaison plutôt rare.

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    1. Bonjour,
      Etant donné que la genèse de cet article est la question suivante de la part d’un consultant : «comment puis-je progresser techniquement», et comme avec des amis nous venons de créer une entreprise que nous voulons différente de celles qui existent, je me suis effectivement concentré sur l’aspect SSII et ses consultants en occultant, comme tu le dis, le troisième acteur à savoir le client. Mais je vais profiter de ce commentaire pour étayer un peu ce point à partir de tes remarques.
      Premièrement, tu t’attaches à matérialiser la relation entre une SSII et un client à travers les commerciaux. Je suis d’accord avec la description que tu donnes de cette relation et je ne l’aurai pas mieux décrite moi-même. C’est pour cette raison que, dès les prémisses de notre projet, nous en avons exclu la gestion du rôle commercial par un commercial. Ce rôle échoit à quelques uns d’entre nous, des ingénieurs, et même si nous n’occultons pas les logiques de rentabilité, nous les traitons d’une manière bien différente de celles que tu décris : pas de commissions sur le taux de facturation, pas de relation du type « ressources à placer », choix dans les clients avec lesquels nous allons travailler non pas basé et premier lieu sur le tarif mais sur l’attrait de la mission pour nos consultants(c’est un luxe que nous ne pourrons pas toujours nous permettre, j’en suis conscient).
      Ensuite, concernant le consultant, on peut effectivement arguer du fait que ce qu’il veut, c’est l’augmentation et que la formation est un bon moyen de l’obtenir. Et bien c’est un consultant avec qui nous ne travaillerons pas. Non pas que la rémunération ne soit pas un élément important, mais il est clair que cela ne doit pas être l’élément primordial. Nous voulons construire des relations basées sur autre chose que l’argent, c’est difficile et comme tu le dis « Pour casser ce système [...] (il faut) être patients […]. Voilà une combinaison plutôt rare. ». Voilà pourquoi, même si nous avons actuellement les projets pour 5-6 consultants nous sommes 4 pour le moment. Il aurait été facile de se pencher, ramasser à la pelle 2-3 consultants à qui ont donne 10% d’augmentation sous la condition que son tarif chez notre client nous permette de faire 15% de marge à la fin. Ce n’est pas de cette manière là que nous raisonnons. C’est risqué, ça prendra du temps, c’est difficile à accepter pour notre entourage professionnel, mais c’est en ça que nous croyons. Et le jour où l’on ne pourra plus s’attacher à ces valeurs, je changerai de voie.

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    2. (NB : ce commentaire est en deux parties car ils ne peuvent excéder 4096 caractères)
      Et enfin, le plus délicat, car c’est ce qui nous pose le plus problème : le client. Autant nous avons presque une complète maîtrise des consultants avec qui nous voulons travailler et de la relation que nous voulons établir entre notre entreprise et nos clients, autant modifier le comportement du client est un élément sur lequel nous n’avons presque pas d’emprise. Et ça, c’est ce qui me frustre le plus dans mon métier. Encore une fois, j’aime beaucoup la manière dont tu décris les choses avec cette pointe d’ironie réaliste. Je serai ici moins catégorique que pour les deux premiers aspects car nous cherchons encore les leviers sur lesquels nous pouvons agir et parce que tant de choses ne dépendent pas de nous.
      S’il est difficile pour nos clients de faire la différence entre un mauvais et un bon consultant ou encore d’évaluer son efficacité, c’est peut-être parce que nous n’avons pas le bon interlocuteur en face. C’est difficile d’avoir la bonne personne pour le bon poste et tant que les entreprises considéreront l’IT comme un simple centre de coût à gérer, nous serons confrontés à des gestionnaires et non pas à des techniciens (ou encore un ancien technicien devenu gestionnaire car la technique est devenue soit trop complexe, soit sans intérêt). Effectivement, le pilotage se fait à court terme et se base sur une logique de prix. Cela fait partie de l’écueil que je cite dans mon article concernant l’organisation de notre économie. Faire comprendre à nos clients que nous nous attachons à faire un travail de qualité, certes un peu plus cher que les autres (encore que), c’est compliqué. Il faut également prendre en compte ta remarque concernant le fait que « si le consultant est meilleur, il finira sa mission 10% plus rapidement ». Oui et c’est ce vers quoi nous voulons tendre. Je vais donner ici l’expérience d’un collègue qui un jour m’a raconté avoir dit à son client que son objectif à lui, était de faire son travail et de rendre le plus rapidement possible son client autonome et non pas facturer ad vitam aeternam. Là-dessus, le client rétorque qu’il trouve ça bizarre et pense que mon collègue tente de lui cacher quelque chose. Une situation ubuesque et révélatrice de ce sur quoi semble t-il nous sommes d’accord : changer les mœurs de nos clients n’est pas chose aisée. Donc oui, notre objectif n’est pas de rester 6 mois chez un client pour un besoin initial de 3 mois dans le but de facturer un peu plus. Comment pouvons-nous faire pour que notre client change de perspective ? Je pense que, si nous n’avons pas le bon interlocuteur de prime abord, il en revient aux équipes techniques de lever l’alerte sur la qualité du consulting mis en place. Tu dis ne pas jeter la pierre aux équipes d’architecture qui se rendent bien compte de la pauvreté de la prestation (crois-je deviner que tu fais partie de ces équipes ?). Mais justement, elles devraient être largement impliquées dans le processus de recrutement contrairement à ce qui se fait trop souvent. C’est à mon sens en partie de leur responsabilité que de choisir ceux avec qui elles seront amenées à travailler. Cela est au prix d’un allongement du processus de recrutement, certes, mais encore une fois, le gain à long terme sera bien supérieur à l’évaluation court termiste que nous observons.

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    3. Je vois que nous partageons beaucoup de points dans nos visions des relations SSII, consultants et entreprises. Je suis heureux de voir qu'il se créée quelques SSII qui commencent à proposer un autre modèle (réellement, pas juste dans la bouche du commercial) et je pense qu'il existe des consultants pour qui formation ne rime pas qu'avec augmentation.
      Dans ta volonté de ne pas t’attarder pour rien (enfin pour 600€/jour quand même, comme penserait un commercial) chez le client, je me permets quand même une remarque :
      Pour le chef de projet interne, le projet n’est pas un succès à la fin du développement, ni même à la mise en production, pas plus qu’après un premier mois géré sans galère. Le projet est un succès quand il a officiellement été considéré comme tel par sa direction. Autant au premier faux pas, un projet est considéré comme un échec, autant cela prend un temps considérable à recevoir le tampon « succès ». Et généralement, c’est lors des mises en services ou des premiers bugs/change requests que le CP interne a besoin de ces meilleurs éléments en implémentation. Même si parfois tu as l’impression de ne pas faire grand-chose en attendant le bug suivant (rare puisque tu as bien implémenté) et d’être vraiment efficace à 20%, donc de surfacturer et un peu perdre ton âme ; ton client a encore besoin de toi pour assurer la carte succès. Rester et l’accompagner à ce moment-là est une façon de le remercier de la confiance placée en toi en début de projet, mais c’est aussi plus facile d’hériter d’une partie des lauriers car c’est plus facile de se montrer quand on est là au moment où ceux-ci sont distribués. C’est un point que pas mal de consultants très doués mettent des années à intégrer. Un consultant qui part trop tôt (et c’est difficile à estimer quand est le bon moment), peut être un cadeau empoisonné.

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  3. Ta remarque est bonne et n’entre pas en contradiction avec ce que j’ai écris, mais la complète judicieusement. Effectivement, à la fin d’une période de rush afin d’effectuer une livraison dans les temps (ou presque), il y a toujours un trou d’air pour les équipes techniques afin que les utilisateurs assimilent tout ce que nous venons de leur livrer – (petite digression), trou d’air limité quand le client est impliqué tout au long du processus de développement, comme avec les méthodologies agiles par exemple. S’en suit inévitablement une période d’ajustements et de corrections qui se font au fil de l’eau et pendant laquelle la « productivité » du consultant est sensiblement moindre. Il n’y a pas de surfacturation dans ce cas, il y a une facturation qui reste la même mais rapportée à des tâches différentes. Et cette phase de « garantie » (je lui préfère les dénominations phase de suivi, ou d’accompagnement) est parfois négligée par les SSII du fait du double argument suivant : le consultant trouve que corriger des bugs est ennuyant et le commercial a tout intérêt à placer son poulain sur une autre mission bien plus rémunératrice chez un nouveau client pour un nouveau contrat plutôt que quelques jours d’accompagnement chez un client sur lequel il a déjà fait son beurre. (Concernant la volonté du consultant d’éviter les corrections de bugs, il y a peut être des racines plus profondes, psychologiques, comme le fait de ne pas apprécier d’être mis en face de/de reconnaître ses erreurs, mais c’est un autre débat et une difficulté que bien des personnes rencontrent). En clair, je rejoins ton point de vue.
    J’ajouterai qu’il y a deux éléments de vocabulaire que tu as utilisé, qui sont « confiance » et « remerciement » qui ne sont pas anodins. Car même si j’ai dépeint un portrait pas très glorieux du client en disant qu’il ne cherchait que le prix le plus bas, je vais ici nuancer en disant que quelques clients (trop rares), en plus d’une logique de prix, font attention tout de même à la qualité des consultants lors de leurs appels d’offres. Et pour ces clients là, avec qui une relation au-delà de la prestation commerciale est tissée, il peut effectivement être question de confiance et de remerciement. Confiance, car il vous a choisi vous et pas un autre. Il est donc normal de lui témoigner votre gratitude par votre implication. Remerciement, quand le travail est fait, assimilé, suivi et que votre client est autonome. Ce sont deux piliers sur lesquels nous comptons chez nous afin de créer des relations pérennes dans le temps. Pour quelques personnes (trop nombreuses), les utiliser est un aveu de faiblesse, un rapport de force instauré dans l’un ou l’autre sens. Dans notre sens, celui des consultants, quand nos profils sont très recherchés et que le client vient « quémander » une prestation de notre part : oui messieurs les consultants, même dans ce cadre-ci il doit être question de confiance et de remerciement réciproques. Il est absurde de prendre la situation de haut et de se targuer d’être les meilleurs. Dans l’autre sens, ou les demandes des clients sont limitées et les compétences disponibles multiples, il est alors malvenu de tenir un discours du type : « je peux en avoir 3 comme vous pour vous remplacer au pied levé ». Mais ceci vaut en fait pour tous les corps de métier ainsi que pour des situations de la vie quotidienne. Humilité et réciprocité ne font pas de mal je pense et j’ai beaucoup de peine à entendre que la situation se limite à une confrontation de la demande et de l’offre.

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  4. Hello les gens,
    D'abord désolé pour ma lecture et réponse tardive, et Patrice merci pour la mention dans l'article :)

    Sur le sujet, plus je vieillis et plus mon avis devient tranché:
    1) La progression d'un consultant dans son talent est sa responsabilité à 100%
    2) Si l'orientation de cette progression est orientée avec la stratégie de l'entreprise, celle-ci doit la lui faciliter (moyens, plans de carrière...)
    2.1) Si les orientations ne sont pas synchronisées, c'est suremenent le moment de changer de boîte
    2.2) Si les orientations sont synchronisées et que malgré cela la boite choisit de ne pas investir, c'est en effet qu'elle est drivée à court terme, sans aucune considération réelle pour le long terme
    2.3) Si les orientations sont synchronisées mais que la boîte ne peut pas (financièrement) investir, c'est qu'elle est anti-lean, obèse, et mal gérée (en dehors de situations ponctuelles très précises)
    3) Si la progression est portée par la boîte, elle doit être rendue obligatoire et doit être drivée par le manager. J'ai essayé les 1/2 journées de formation par mois "à prendre quand vous le voulez", personne ne les prenait (culpabilité inconsciente vis à vis du business, peur de ne pas savoir par quel bout le prendre)

    Donc maintenant pour moi, pour ce qui est du périmètre de compétences inscrit dans la stratégie de l'entreprise, c'est sur du temps de travail, drivé par un manager, mais la responsabilité du succès revient au collaborateur.
    Ce qui est en dehors de ce périmètre, ou si le collaborateur choisit d'aller plus vite que ce que l'entreprise peut consacrer, c'est sur du temps perso: c'est un choix de vie.

    Enfin, je ne peux que dire +1000 à Cédric sur le rôle des clients/acheteurs dans le cercle vicieux de la "commodification" des nos prestations (transformation en biens qui ne sont en compétition uniquement que sur le prix et plus la qualité).

    Les bons clients existent, mais le problème de notre écosystème en ce moment c'est qu'ils sont capturés par MCS (Microsoft Consulting Services). Mais c'est un autre sujet ;)

    ++

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