vendredi 28 février 2014

Nouveau challenge

Cela fait déjà 6 mois, et je n’ai pas encore pris le temps de présenter la nouvelle entreprise pour laquelle je travaille. Remarquez, cela fait un bout de temps que je n’ai rien mis sur ce blog : espérons que j’arrive à améliorer les choses de ce côté-là en 2014.
Avec Charles-Henri et Romuald, nous avons décidé de créer une entreprise (SCOP IT), et cela soulève toujours pas mal de questions : en voici quelques-unes dans le désordre.



Pourquoi créer une entreprise alors que d’autres acteurs existent déjà ?
Question très ouverte qui mérite plusieurs niveaux de réponse. Premièrement, disons que nous n’arrivions pas à trouver le modèle qui nous convenait. Après avoir passé plus de 20 années cumulées dans des sociétés de services diverses, le constat était bien simple : ça vient d’en haut et ça néglige le bas, soit une organisation hiérarchique monolithique pyramidale qui, de notre point de vue, est dépassée et ne constitue plus le meilleur moyen de travailler ensemble efficacement. Donc, à l’heure de l’avènement des sociétés construites en réseaux notamment autour des technologies Internet (Facebook, Twitter, les Blogs, les jeux de coopération en ligne, etc…), il nous parait bien plus profitable de transposer ce modèle dans notre entreprise afin de maximiser le niveau de collaboration et l’implication des consultants. De ce fait, nous adoptons un management plus horizontal et moins vertical ou nous essayons d’impliquer tous les collaborateurs dans les prises de décision de l’entreprise.

Bon ça c’est bien joli mais comment ça se met en place chez nous ?
Là encore il y a plusieurs aspects à cette question. Le premier, c’est le refus du salariat tel qu’on le connait. Attention cette notion recouvre beaucoup d’idées et afin d’éviter les amalgames, je vais développer un peu. Quand on dit refus du salariat, il faut comprendre le refus d’une relation hiérarchique rigide qui lie un salarié à une structure via un contrat de travail pour lequel ce salarié met à disposition ses compétences en échange d’une rémunération. Chez SCOP IT, il n’y a pas de rémunération (bien entendu ce dernier élément est constitutif d‘une blague, en fait on se gave comme des cochons). Dans une structure plus classique, le salarié n’a que très peu de marge de manœuvre dans la vie de son entreprise. Certes, on pourra lui faire miroiter une relative influence sur l’organisation de son temps de travail, le choix de ses missions, un peu de temps de R&D, une marge de négociation sur ses conditions de travail (salaire et responsabilité entre autre)… mais dans les faits, ça relève un peu de la vaste supercherie (ça fera plaisir à Romuald). Ces aspects sont le fruit d’une communication exclusive entre le salarié et son manager sur l’axe de la négociation. Mais que pensent les autres collaborateurs du niveau de rémunération général par rapport aux performances économiques de l’entreprise ? Comment sont gérées les plages de temps accordées aux projets (facturées ou non) ? Sont-elles le résultat d’une décision d’un petit groupe de personnes ou d’un ensemble ? Sur quelles activités futures s’engagera la société ? Combien de personnes en décident ? Bref, nous ne souhaitons pas que ces aspects soient appréhendés sur la base de la négociation et nous lui préférons le principe de consensus. Nous ne souhaitons pas que les décisions importantes qui impactent tous les collaborateurs soient le fait d’un petit groupe de personne mais d’une globalité ou du moins, d’une majorité représentative. Si je reprends la définition plus classique du salariat évoquée ci-dessus et que nous la transposons à notre modèle, nous comprenons donc que le salariat est une relation souple et de coopération entre tous les éléments constituant la structure, que cette relation se matérialise juridiquement par un contrat de travail dont les modalités permettent le partage, la mobilité, l’égalité et la transparence et pour lequel collaborateur perçoit une rémunération décidée collégialement en échange de ses capacités à accorder du temps à son entreprise dans le but de faire avancer le groupe auquel il appartient. Avec cette nouvelle approche, tout le monde comprendras rapidement que l’entreprise appartient à tous ses salariés.

Dans quelle mesure elle appartient à tous les collaborateurs ?
C’est bien simple, tous les salariés ont vocation à devenir associé, c’est-à-dire à participer au capital de l’entreprise. Ainsi, l’entreprise appartient pleinement à ceux qui participent à son évolution. Et nous refusons les capitaux externes à l’entreprise. Notre outil de production nous appartient.

On parle de transparence, mais toutes les entreprises mettent cela en avant ?
Effectivement, en terme absolu, toutes les entreprises assurent de la transparence à  leurs employés. En revanche, relativement et qualitativement, elles n’en ont pas le même niveau. Je vais prendre l’exemple le plus révélateur et qui souvent pose un problème dont tout le monde parle en sous-marin mais jamais ensemble : l’aspect économique. Nous faisons le pari de transmettre tous les chiffres à tous les collaborateurs : que ça soit les niveaux de rémunération, de marges, de dépenses, d’investissements, etc… Si l’un de ces sujets doit être discuté, il le sera par tous les collaborateurs. Sur l’exemple des rémunérations, tous savent ce que chacun gagne et les augmentations sont décidées collégialement. Cela peut paraître bizarre mais nous refusons les négociations individuelles avec le tenant des cordons de la bourse. Chaque cas est analysé de manière collaborative et cela n’empêche pas d’avoir différents niveaux d’augmentation en fonction de l’implication de chacun dans l’entreprise. Nous croyons qu’avec un niveau de communication et de transparence suffisant, tous seront capables de reconnaître qu’un tel s’est investi d’une manière qui lui permette d’obtenir un niveau d’augmentation supérieur à celui des autres. Et croyez-moi, quand on en arrive à ce niveau-là, il n’y a plus aucun soucis de divulgation d’information et de génération de comportements envieux.

Ok, donc l’entreprise appartient à ses employés, mais qu’en est-il de ses fruits ?
La totalité des bénéfices de l’entreprise sont répartis entre deux postes de dépenses : la trésorerie pour l’investissement et la part travail. Cette répartition se fait sur une base minimale de 16% pour la trésorerie et 25% pour les employés (la part travail). Bien évidemment, le curseur est ajustable au-delà de ces limites afin d’atteindre les 100%. La répartition entre les collaborateurs se fait sur la base des jours de présence dans l’entreprise (facturés ou non) et non pas par rapport à la rémunération ou en fonction des parts dans le capital (dividendes) comme c’est trop souvent le cas. Il ne faut pas se leurrer, nous sommes tous des agents économiques et notre travail, lorsqu’il produit des excédents, doit être rémunéré justement : il nous paraît inconcevable que la distribution des fruits de notre travail se fasse de manière dégressive en partant du haut de la hiérarchie : en bref, chez nous il n’y a pas de patrons ou d’actionnaires qui profitent plus que les autres.

On nage en pleine démocratie alors ?
En tous les cas, on tente de s’en approcher le plus possible. Mais notre modèle, bien que nous soyons conscients qu’il soit très attractif, a aussi ses limites. Comment décider des missions à engager, des niveaux de rémunération, des investissements, etc., lorsqu’une entreprise comme la nôtre comptera 50 salariés et plus ? Nous avons au sein de SCOP IT des avis différents sur ce sujet. En ce qui me concerne, je pense que nous sommes voués à être relativement peu nombreux, mais donner un chiffre serait illusoire : cela se déterminera de manière empirique.

Nous avons abordé le sujet sous l’aspect des conditions de travail. Il en reste beaucoup à aborder comme les relations entre les entreprises qui ont choisies un modèle similaire au notre, la forme juridique de notre entreprise (parce que tout ce que je viens de raconter est inscrit dans nos statuts, il y a donc une forme juridique particulière à adopter), les relations avec nos clients, les perspectives d’évolution, le contexte économique, la philosophie du partage, etc.
J’espère juste avoir le temps de le faire avant de changer de boîte (ceci est également constitutif d’une boutade).

4 commentaires:

  1. Mister Pharel,
    Je suis complétement d’accord avec tes idées, mais penses-tu qu’il faille absolument utiliser une structure particulière (scop) pour les mettre en pratique ? Ne serait-ce pas possible avec une structure classique ?
    Par ailleurs, j’aime quand même assez l’idée du despote éclairé, ne serait-ce que pour la cohérence des actions dans le temps et la rapidité de décision. Maintenant il faut une boucle de feedback pour entretenir l’éclairage du despote, et un modèle qui me plait dans ce cas c’est celui des bateaux de pirate avec l’élection du Capitaine par l’équipe, et son passage par-dessus bord s’il déconne trop ;)

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    1. Non effectivement, il ne faut pas obligatoirement être une SCOP pour mettre en place tout cela, d'ailleurs je parle très peu des SCOP dans cet article. Mais le cadre légal permet de structurer et d'inscrire ces éléments dans le marbre. De plus il y a d'autres avantages à être une SCOP, j'en parlerai dans d'autres billets.
      Merci pour ton retour.

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  2. Ca fait rêver... On va se bousculer au portillon pour bosser chez vous. Moi la première si je n'habitais pas si loin...

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    1. Et bien écoute ça fait plaisir d'avoir ce genre de réaction. On peut toujours s'arranger pour te faire travailler à distance :).

      Mais non, ça ne se bouscule pas encore pour venir. Nous avons eu quelques propositions tout de même, ce qui reste très positif. La faute, à mon avis, à deux faux problèmes et une tendance :
      - les consultants pensent que l'équipe en place est trop forte techniquement et qu'ils doivent accuser un déficit par rapport à ça. C'est dommage, car même si on cultive une certaine idée de la compétence technique, d'autres consultants ont largement notre niveau et je ne pense pas que nous soyons intouchables sur ce point. Et cela ne nous empêche pas de travailler avec des profils juniors que justement, nous nous attachons à faire progresser. J'en profite pour remercier Khirdine (2 ans d'expérience) pour nous avoir fait confiance et de nous avoir rejoint.
      -second faux problème : la responsabilité, la prise de décision, l'implication dans la vie de l'entreprise et de son évolution, tout cela fait peur. Mais croyez moi, il n'y a rien de plus gratifiant que de croire en nous et nos idées, de faire avancer notre petite barque et faire embarquer d'autres personnes au fur et à mesure de notre progression. Notre entreprise nous appartient et il n'appartient qu'à nous de la faire grandir. L'identification à sa société est en ce sens totale à partir de ce moment là et l'implication de chacun maximale.
      - et enfin la tendance : le marché de l'emploi en BI est tendu, surtout en région parisienne, et il est ainsi difficile d'attirer à soi des profils intéressants.

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